J’ai beau critiquer mais moi non plus je ne suis pas blanc comme neige : je suis allé voir Intervention divine de Elia Suleiman, seulement parce que c’était un film palestinien. J’eusse su qu’il avait gagné le prix de la critique à Cannes, subodorant un peu trop de correction politique, je n’aurais sans doute pas acheté de billet. J’ai assisté à ce spectacle « merveilleusement jubilatoire et pourtant tragique », comme il est écrit dans le programme, dans une pleine salle de cinéphiles à l’air engagé.

 

Le film est un collage, aux coutures trop visibles, de choses vues, revues et trivues : combien de fois avons-nous regardé des scènes comme celle qui ouvre le film où le conducteur égraines des insultes vulgaires pendant qu’il salue hypocritement ses voisins ? et le deux vieux assis sur le toit qui regardent, silencieux, le déroulement de petits faits de la vie quotidienne ? et le gros mec qui crève le ballon à l’adolescent, habile comme un singe, qui s’amuse dans le rue ? et, et, et… Répéter certaines scènes deux, trois, quatre fois, ne fait-il pas penser aux pires films, dits d’auteurs, des années soixante ?

 

Ce n’est pas parce qu’on l’a déjà vu… D’accord. Mais, quand on l’a déjà vu avec un meilleur rythme, une intelligence plus subtile, etc. ? Et, que dire de la play-boyitude des mains entrelacées, de la facilité des cigarettes à l’hôpital et du prévisible passage enchanteur de l’héroïne ? Rien.

 

Un mirliflor, au faux borsalino, à la sortie : « J’ai aimé cette représentation de la vie quotidienne en Palestine ; les disputes entre voisins redonnent à la question palestinienne une flavour plus humaine et puis la touche fantastique est si bien intégrée. Quelle sensibilité ! » Pensais-tu, pauvre con, que les Palestiniens n’avaient qu’une vie héroïque pour se redonner un droit à la dignité ?

 

Le cinéma est un très bon miroir aux alouettes pour le mépris. Ce n’est pas parce qu’il s’agit d’un film palestinien qu’il est bon ! Ce n’est pas parce que ce sont des Palestiniens qu’il faut s’étonner qu’ils aient une vie pleine de contradictions ! Plus j’y pense et plus je crois que les plus méprisants ne sont pas les juifs racistes mais la majorité des défenseurs de la cause[1] palestinienne. Puisque j’aime le bon cinéma — comme j’aime le bon Stilton et les photos de phoques en chaleur — j’aimerais demander au metteur en scène pourquoi au lieu de faire cette espèce de scène de Tigres et dragons de deuxième catégorie, il n’a pas fait un plan fixe de cinq minutes sur le visage bandé de la fille ouvert sur une magnifique fenêtre d’yeux. Une telle scène aurait forcé les spectateurs à sortir du spectacle et à penser à la Palestine, aux femmes, aux hommes, à sa femme, à l’homme de l’autre et au chien du voisin. Une magnifique occasion ratée.

 

Sans doute que ce film est meilleur que je ne le pense, mais le prix de la critique à Cannes m’a mis le glandomètre au maximum. (Ce qui, par ailleurs, ne m’a pas empêché de voir que la Palestine est divisée en riche et pauvres comme les États-Unis, Israël ou l’Île aux Coudes).

 

P.S. Pourquoi, si on veut un bon film, un film qui fasse réfléchir sur la Palestine, sur une Palestine vue de l’intérieur, ne pas le faire réaliser par un Straub ou un Allen ou un Spielberg ou un Godard : par un metteur en scène qui n’a plus besoin d’être velléitaire ?



[1] Je dis bien de la cause et non des Palestiniens.