Mots inexistants. Créer un dictionnaire de mots inexistants est une tâche logiquement impossible puisque, dès que le mot est dans le dictionnaire, il existe et titanesque — comment et combien en choisir dans l’infinité de mots qui souhaitent exister ? Heureusement qu’il y a des gens indifférents à la logique et qui ne craignent pas de souffler leur copeau comme Aristote et Nicos Nicolaïdis auteurs de le Dictionnaire des mots inexistants et Jean-Loup Chiflet et Nathalie Kristy auteurs de Le dictionnaire des mots qui n’existent pas[1]. Il s’agit de deux petits dictionnaires de moins de 300 mots chacun. Ayant ces deux livres sur le bureau, la tentation de vérifier si les auteurs ont donné existence à des mots identiques est très forte. Non, il n’y en a pas. Ce qui est naturel, vu l’approche très différente : Aristote et Nicos inventent en partant de racines grecques (avec de tels prénoms pouvaient-ils faire autrement ?) tandis que Chiflet et Kristy plongent dans l’ironie. Voici deux exemples :

 

copain-clopant, n.m. L’ami fumeur qu’au nom d’une vieille amitié, le non fumeur tolère. Il est allé à l’enterrement de son copain-clopant.

 

Psychophthore, ad. Ψυχοφθόροτ (Ψυχο = âme, φθόροτ – usure, corruption0

Qui use ou corrompt l’âme.

Ex. Un effet psychophthore. Une influence psychophthore. Une ambiance particulièrement psychophthore pour les jeunes.

 

Un dictionnaire de mots inventés n’est qu’une trouvaille éditoriale, amusante certes, mais pas plus. Par contre, inventer des mots et les aider à circuler dans les banlieues du langage est une nécessité pour, au moins, trois raisons :

1)      le monde nous montre souvent des facettes muettes (et les hommes vivent avec difficultés dans un monde silencieux).

2)      Les mots ont besoin d’accoucheuses pour se libérer de leurs petits.

3)      Le désordre créé par les nouveaux mots aide à repenser le désordre ordonné qui nous embrigade.

 

Le Trempet aussi, depuis sa naissance, travaille à un Dictionnaire des mots et des expressions qui n’existaient pas qui sera rendu public lors de la dissolution de l’institut en 2048.

 



[1] Aristote et Nicos Nicolaïdis, Dictionnaire des mots inexistants, Metropolis, 1989. Jean-Loup Chiflet et Nathalie Kristy, Le dictionnaire des mots qui n’existent pas., Hors collection, 1992.