Photocopies
Ce recueil de textes courts paraît en anglais en 1996 et en français la même année. Le lire est peut-être une bonne façon de prendre contact avec John Berger. Ce n’est pas le plus facile, les textes courts ne sont jamais les plus faciles, ils vous entraînent vite dans une histoire qui vous échappera forcément si vous n’y entrez pas tout de suite. Et puis, les textes courts, il faut les lire très lentement et ça, on n’a plus l’habitude, parce que les textes courts, c’est souvent ceux de la publicité ou des journaux, et ça, on lit vite.
C’est dans ces
textes courts que l’on comprend peut-être le mieux ce que Berger écrit parfois
sur le dessin. On pourrait peut-être dire que Berger écrit ici comme il
dessine. Avec une attention animale aux corps, à leurs zones d’ombre et à leurs
mouvements, avec une façon de comprendre la pose et l’espace autour des
personnages. Rencontres, scènes de rues, évocations d’une ville ou d’une
personne absente ou morte, 29 croquis, 29 « photocopies textuelles »
terriblement évocatrices, avec un étrange fond de tristesse, comme si la
vitalité particulière de ce qu’écrit Berger était ici moins directement
tonique, comme si l’exercice de la photocopie réveillait
Les titres des journaux
prétendaient que vous étiez nostalgique du communisme et une menace pour
La mémoire du peuple, cependant, n’est pas aussi courte que le croient les
trafiquants. Et cela se voit déjà sur votre visage. C’est dur de décider si
vous êtes une mère ou une grand-mère […] C’est dur de
savoir si vous êtes venue défendre
Les trafiquants du
marché libre et leur corollaire, la Mafia, affirment qu’ils ont désormais le
monde en poche. Ils l’ont. Mais pour être crédibles, ils doivent changer le
sens des mots qui, dans toutes les langues, expliquent, louent ou donnent de la
valeur à la vie : chaque mot, selon eux, est maintenant au service du
profit. Ils sont donc devenus muets. Ou, plutôt, ils
ne peuvent plus dire aucune vérité. Leur langage est trop desséché. En
conséquence ils ont perdu la faculté de mémoire. Une perte qui, un jour, sera
fatale.
Demain, Olga, un ami
viendra changer votre bandage.
De la photo, je fais
cette photocopie textuelle pour que ceux qui l’ont ratée dans la presse
française du mardi 5 octobre 1993 puissent vous voir. »