Voir le voir
Vous le trouvez dans n’importe quelle librairie universitaire anglaise ou
américaine.
Voir le voir est un classique
que certains professeurs « imposent » à leurs étudiants pour que —
j’imagine — la manière de voir de
Il a été « fait », selon la note au lecteur, par cinq personnes (
Les images soulèvent des questions surtout parce qu’elles circulent parmi
les paroles.
Des paroles qui parfois donnent naissance à des principes élémentaires
qu’il ne vaudrait pas la peine de souligner encore et encore si l’on
n’employait pas un langage qui, tout en étant simple et accessible, ne tombe
jamais dans
Qui dit action, dit politique. Qui dit politique, dit le monde tel qu’il
est avec ses hommes et ses femmes, sa conscience, ses espoirs, ses
mystifications et, last but not least, sa technique. Qui dit technique
dans un contexte artistique, dit reproduction. Qui dit reproduction, dit les
idées écrites « il y a plus de quarante ans [on est en 1972] par
le critique et philosophe allemand Walter Benjamin ». Suit une image
du visage de ce dernier.
Les femmes, plus ou moins habillées, sont omniprésentes dans les
reproductions. Rien d’étonnant quand on se propose de montrer une autre manière
de voir — et de regarder — ce que les arts visuels nous proposent depuis
l’invention de la peinture à l’huile. Le fait d’écrire « peinture à
l’huile » et « plus ou moins habillées » est loin d’être anodin.
Peinture à l’huile : « La peinture à l’huile […] réduit
tout à l’égalité des choses. Tout devient échangeable parce que tout devient
marchandise. » Pas tout, qu’il suffise de penser « aux œuvres
de Rembrandt, El Greco, Giorgione, Vermeer, Turner, etc. […] ». Mais
ils restent des exceptions d’exceptions car « la tradition représentait
plusieurs centaines de milliers de toiles distribuées dans toute l’Europe »,
dont une grande partie n’a pas survécu et « parmi celles qui ont
survécu, seule une fraction minuscule est aujourd’hui sérieusement considérée
comme appartenant aux beaux arts ».
Femmes. Femmes nues (nude) et femmes dévêtues (naked) que les
hommes regardent. Selon Berger, la différence est fondamentale : « être
nue c’est être vue dévêtue par les autres mais sans être reconnue
en soi […] Être dévêtue c’est être soi-même[2] ».
C’est l’homme qui achète, c’est l’homme qui a le pouvoir et c’est l’homme qui
regarde. « Les femmes se regardent être regardées ». L’homme
surveille : géomètre-arpenteur de la femme, c’est lui qui déclare le degré
du danger qu’elle représente selon les normes que lui-même a établies. Il fixe
les règles du jeu de la société et du je de la femme qui, loin de l’action,
« se transforme elle-même en objet — et en particulier en un objet de
vision : une vue ».
Est-ce un hasard si les hommes et les femmes moindrement concernés par la
situation des femmes ont toujours apprécié la théorie de l’art de Berger ?
La publicité moderne — « qui transforme la consommation en un
ersatz de la démocratie » — continue sur la lancée de la peinture en
mettant la femme comme sujet-objet privilégié des images où le produit dit
« Avec ceci tu seras désirable ». Le futur est fondamental.
Tu étais moche. Tu n’es rien. Tu seras belle.