Cherrier
— T’es belle.
— Fuck !
— Conne !
Elle
en avait eu marre de gazouiller sur la terrasse du Cherrier. Elle avait pris
son sac, fait signe à sa copine qu’il était temps de partir, fait signe au
serveur que les vingt dollars étaient sur la table et elle s’était levée.
La minijupe tombe, parfaite,
caressant de ses ailes légères les cuisses sportives. Le sac à dos, porté trop
bas, martèle un cul bombé d’une would-be panthère. Un pan de jupe à
peine relevé montre les plis qui précèdent la montée des fesses. Elle marche
effrontée à côté de l’amie baignant, béate, dans sa beauté.
Bellâtre, il relève sa mèche en
sortant de la taverne Cherrier. Il parcourt, méprisant, l’exposition du vide would-be
plein des habitués du café Cherrier et puis fixe la belle et la bête qui
s’approchent. Son regard glisse de la tête aux genoux, des genoux aux seins,
des seins aux cuisses et des cuisses au nombril où il se repose un instant
avant de monter, ostentatoire, vers les yeux. Il pivote pour suivre le virage
des corps sur Saint-Denis et en secouant légèrement la tête il siffle
« T’es belle ». La queue d’un « Fuck », craché par une
bouche en cul de poule, est relevé par un « Conne » sonore qui durcit
la démarche de la belle.
Pourquoi ne pas te taire ?
Pourquoi emprunter cette espèce de mot à une langue qui n’est pas la
tienne ? Un mot si laid qu’il n’est même pas vulgaire. Un mot qu’on
pourrait classer dans la catégorie « économie » ou
« productivité », un mot court comme le désir des hommes politiques.
Un mot qui, à lui tout seul, devrait te faire opter pour l’indépendance. Penses-y :
ils emploient « To fuck » pour dire à la fois « faire l’amour »
et « va chier ». Quel manque de fantaisie et de désir vous fait
« fucker »
partout !
Et toi, nouille au beurre, pourquoi
ce « conne » ? Tu as raté une occasion en or d’être « le
poète inspiré que Pégase soutient...»