Chien violeur
J |
’écoutais
distraitement la télé en mettant un peu d’ordre dans le bureau de ma compagne
qui, depuis qu’elle turbinait pour la police, n’avait plus de grandes envies
d’ordre. Une présentatrice qui — il faut bien le dire ! — avait du chien,
chassait de gueule dans la campagne avec une meute de techniciens. Ils arrivèrent
enfin à un chenil lager, plus ou
moins caché près de Sainte Quelquechose.
Rien de bien excitant pour un non-animaliste
de mon espèce. Mais un cri sourd, qui venait du ventre de la préhistoire, fit
tomber Tough Jews[1] de mes mains. « Chien
violeur », qu’elle avait crié. Ma fantaisie débridée m’accoutra d’une
brigandine et me voilà lancé vers l’écran pour transpercer ce vil technicien
qui souillait ma dulcinée aux cheveux d’or. Quelle déception quand je vis qu’il
s’agissait bel et bien d’un chien. Un chien en chair et, surtout, en os.
Cool, man ! Non, ce n’était pas un
chien qui tentait de violer notre fée du micro, mais un chien qui, depuis des
années, violait des chiennes de façon systématique. Mes souvenirs se mirent alors
au timon de mes pensées. Je vis un paisible troupeau de vaches du pays basque.
Je vis une vache sauter sur une autre et mimer les mouvements d’un taureau.
J’en vis une autre encore essayer de sauter un berger qui, avec son makila[2], lui en donna pour sa faim.
Des vaches violeuses ? Comme chantait
Brassens : « ya plus de moralité publique ». Elles avaient
devant elles des collines verdoyantes, un ciel infini, des étoiles étincelantes
et l’océan, le vaste océan qui console les labeurs… Elles avaient des yeux si
doux, si paisibles… Elles avaient tout ce qu’il fallait… à des vaches. Mais,
surtout, elles n’avaient pas les justifications de ce chien qui passait sa
chienne de vie dans une chienne de cage pas plus longue qu’une chienne de
verge.
Des animaux violeurs ? Je n’avais jamais
imaginé des gens fichus de ficher des catégories morales sur des animaux. Et
pourtant j’aurais dû m’en douter, moi qui ai tant aimé Brigitte Bardot.