TV et famille
— Elle abrutit et empêche
la communication. Elle crée des solitudes.
Elle
n'abrutit pas, parce que ceux qui la dirigent, ceux qui y gagnent leur croûte
n'y trouveraient pas leur compte. Elle n'abrutit pas parce que la bête humaine
n'est pas abrutissable et surtout parce que les abrutis sont toujours les
autres qui, soit-dit entre nous, ne le savent pas. C'est bien ça, ils ne le savent
pas, mais, nous, nous le savons. Il est clair que si les abrutis n'existaient
pas, il faudrait les inventer : pour la sensation d'avoir un brin, un
léger, très léger brin, d'intelligence en plus.
Elle nous abrutit car elle nous
écrase avec la souffrance des images des autres. Des images qui, loin dans l’espace et dans le temps, ont un corps, qui
ne se décharge pas pour autant à travers elles. Elles sont là, avec leurs yeux
plus souffrants que nature; leurs sourires plus fades que les nôtres. Elle nous
abrutit parce qu'elle nous prend toute notre capacité d'écoute.
Elle n’abrutit pas parce que quand
on rentre, abruti par une journée de travail vide, elle nous permet de nous
isoler sans devoir rendre de comptes à personne. Vraiment à personne : à
nous-mêmes non plus. Elle n’abrutit pas parce qu’elle nous permet de jouir
d’une passivité trop souvent chassée.
Elle crée des solitudes parce que
nous en avons besoin : seul était l'adolescent qui se masturbait devant un
rêve, seul est le teen qui se branle yeux et oreilles remplis du corps
de Madona. Il serait seul même devant les ébats amoureux de Marc et Pauline, il
serait encore plus seul dans ses ébats avec l'autre...