Esohpromatèm
par Pablo Fuentes
J |
e n’aime pas Kafka.
Jeune, je le détestais. Maintenant, j’ai moins de raisons de l’exécrer, mais,
sans doute par fidélité envers ma jeunesse, je continue à ne pas l’apprécier.
Il bâtit un univers que je ne sais appréhender qu’en tant que littérature. Ce
qui n’est pas rien, bien sûr. Ce qui n’est pas assez.
Il me souvient de ma
première rencontre par une belle journée d’avril de 1963, une de ces journées
où des yeux pas trop rassis voient la sève monter même dans l’acier. Incapable
de parler à mes camarades, ravissantes et toujours plus distantes, je lanternais
à la gare et convoitais les livres entassés dans le minuscule comptoir de
l’entrée. Comme tous les vendredis, je comptais et recomptais la monnaie que je
n’avais pas flambée dans les juke-box et j’hésitais entre la garder pour le
poker du samedi ou engraisser Ramon, ce pourri qui vendait livres et sandwichs
avec la même insouciance. Non seulement Ramon ne faisait pas de différences entre
le jambon et Joyce, mais, comble des combles, il faisait rire mes camarades.
Toujours plus belles et toujours plus distantes.
Après que Ramon eut
installé le nouvel arrivage, je m’accostai au comptoir pour être sûr que ma
myopie ne me jouait pas de mauvais tours.
Franz
Kafka
La
métamorphose
Plus d’hésitation.
—
La métamorphose, s’il vous plaît.
—
Prends-le. Quatre-vingt pesetas.
Plus d’hésitation car,
si samedi Gaston et Pedro appelaient, ma mère infailliblement trouverait dans
le veston de mon père la monnaie pour le poker. Plus d’hésitation car
« métamorphose » me fit penser à Ovide et Ovide était bien le poète
de l’ars amatoria, n’est-ce pas ?
Je lus vingt pages dans le train. Je vomis.
Je terminai la nouvelle en marchant vers la maison. J’étais dégoûté.
Profondément dégoûté. Cet univers rempli de ressentiment, englué dans la
mesquinerie et riche de sentiments pauvres délesta mon côté naïf et enfantin.
En l’espace de quelques minutes le dégoût se mua en rage, la rage en lucidité
et cette dernière en une envie irrésistible d’écrire. Après avoir pondu un
paragraphe d’un essai formidable contre « une faiblesse qui se prend pour
une force », où
je vitupérais « un récit qui appauvrissait Freud en transcrivant de
manière fade les idées géniales du maître viennois » et où j’ironisais sur la mère
sans corsage qui « perdait ses jupes », je décidai qu’il fallait
attaquer ce « nieur » sur son propre terrain. Je brûlai ma page et me
mis à une nouvelle qui devait faire oublier l’œuvre de ce triste petit juif.
« Je donnerai la parole à la vie », me dis-je. Et, pour bien
commencer, je donnai à mon récit le même titre de celui de Kafka, mais écrit à
l’envers :
Pablo
Fuentes
Esohpromatèm
Je voyais déjà les
bouches de mes camarades demander à Ramon : « Esohpromatèm, de Pablo
Fuentes » et leurs mains agiles me feuilleter. Je l’écrivis le dimanche.
Je la perdis le mardi.
Elle devait avoir à peu près cette allure :
Esohpromatèm
Un matin, après quelques mois
de sommeil paisible dans le hangar, il s’éveilla transformé en un véritable
homme. Il était couché en chien de fusil sur deux sacs de farine, la tête
appuyée à une caisse de Xeres, les pieds dans un seau. Les planches mal
ajustées laissaient filtrer un soleil un peu trop brûlant pour ce début
d’avril. « Que m’est-il arrivé ? » pensa-t-il. « Suis-je en
train de rêver ? ». Non, ce n’était pas un rêve.
Il était gigantesque. Il était
bien plus grand que les sacs de farine, pourtant si grands que personne n’avait
jamais pu les escalader. Il regarda son thorax. Plus de pattes ! De ces
six pattes pitoyablement minces il était resté une seule, perdue dans une forêt
de poils au milieu de deux énormes colonnes articulées, se terminant avec de
grandes feuilles. Il allongea les jambes et le seau tomba avec un tintement
agréable. Il s’assit et posa les mains sur les cuisses qu’il palpa avec ces dix
appendices mobiles. Ces espèces de pattes. Des pattes qu’il pouvait si aisément
contrôler ! Elles obéissaient comme il n’avait jamais imaginé qu’une
partie du corps puisse obéir : elles exécutaient ses ordres sans résistance,
comme si elles n’attendaient que cela. Avant, le moindre mouvement était pour
lui une grande entreprise : avancer une patte lui demandait de longues et
profondes réflexions. Il devait commander les synapses une à une et souvent,
quand il était fatigué (et il l’était souvent car la pensée lui volait toute
son énergie), il oubliait les bonnes correspondances et il se retrouvait
quelques centimètre à côté de son objectif — si on peut parler d’objectifs pour
des êtres complètement englués dans la pensée !
Il se releva d’un bond, ce qui lui donna des
vertiges. Tout son corps se mit à frissonner comme si cette dépense d’énergie
avait amorcé une réaction en chaîne qui lui faisait ressentir une unité
inconnue. C’était une sensation complètement nouvelle : son vieux corps
était constitué de partie autonomes qui dialoguaient seulement aux prix
d’énormes efforts de pensée, tandis que maintenant tout se passait comme si
tout était absolument nécessaire, comme si rien n’échappait à son contrôle. Il porta une main à sa tête pour
toucher ce qui lui semblait le centre, la source de ses vertiges. Il découvrit
une tête entourée de millions de fils doux et soyeux qui lui caressèrent les
paumes comme jadis les pattes de sa mère lui caressaient l’abdomen. Il ballotta
sa tête. Ses cheveux firent des vagues noires devant ses yeux et lui
effleurèrent la figure. Il était bien. Tranquille, mais en même temps lucide,
d’une lucidité insoupçonnée. Il était fort. Il n’avait plus peur d’être écrasé.
D’être écrasé ? Et sa mère ? et ses sœurs ? où
étaient-elles ? Il regarda à ses pieds. Rien. Il se courba, il fouilla
dans la sciure. Les voilà. Immobiles. Pensives. Tristes. Comme d’habitude. Il
souleva la plus proche du sac mais la laissa tomber avec une grimace de dégoût
quand il vit l’agitation insensée des pattes. Ça devait être sa grande sœur. Il eu honte pour elle. Honte
pour son manque de pudeur. Honte parce qu’elle était encore perimegatoma
hispanica[1].
Il se redressa. Il appuya les
mains contre les planches et il se mit à pousser. Pour tester leur
résistance ? La sienne ? Il ne savait pas. Elles résistaient. Il avait
l’impression que tout son corps était concentré dans les muscles du dos et des
bras. Qu’il n’existait rien d’autre que ses muscles. Les paumes commencèrent à
lui faire mal. Il arrêta de pousser et contempla avec un sourire hébété les paumes
couvertes de sciure. Il se frotta énergiquement les mains et regarda la sciure
tomber silencieusement. Silencieusement, sur sa famille. Quel pouvoir !
Maintenant, avec un simple geste, il pouvait se libérer de cette sciure qui,
dans le monde d’en bas, pouvait rester collée à l’abdomen pendant toute une
vie : elle se détachait quand bon lui semblait, comme si, non seulement
elle avait un volonté propre, mais comme si cette volonté était plus puissante
que la sienne.
Il s’étira en criant si fort
qu’il eut mal aux oreilles. Son cri n’était pas fort seulement pour un insecte
qui se retrouvait, tout à coup, avec la force d’un jeune homme bien bâti. Il
était humainement fort car la petite fille qui jouait dans le jardin partit en
courant.
—
Maman, maman
il y a un ogre dans le hangar.
—
Nathalie, combien de fois dois-je te dire que les
ogres n’existent pas ?
—
Il a fait Euhuuuuuuuuuuuuu…
—
Les ogres ne font pas Euhuuuuuuu …
—
J’ai peur.
—
Regarde, on va ensemble ouvrir la porte du hangar
et tu verras qu’il n’y a pas d’ogre. Mais promets-moi que c’est la dernière
fois que tu m’interromps avec ces peurs de petite fille. Si tu continues comme
ça, l’année prochaine tu n’iras pas à l’école.
—
Non, non. Je veux aller à l’école. Promis.
—
Je prends la clef et on y va.
…
—
Vas-y ma belle héroïne. Ouvre et entre.
—
Maman, il y a un monsieur nu.
—
T’exagères…
—
Ahaaa ! Nathalie viens ici ! Que
faites-vous là ?
Il ne faisait rien. Il était
figé devant la porte. Seuls ses yeux, fascinés, parcouraient sans grande
discrétion les corps de ces deux créatures sorties du néant. Il examinait,
immobile. Son corps s’alimentait des regards de la mère hypnotisée et de la
fille malicieuse. Lentement, une agitation qu’il n’avait jamais éprouvée et
dont il n’avait même pas entendu parler dans sa vie d’insecte, remua la moindre
particule de son corps pour couler furtivement vers son sexe et sa tête. Il
sentit un besoin impérieux de s’ouvrir pour annoncer sa félicité. Sa bouche
s’ouvrit calmement et articula ses premiers mots humains « C’est
beau ! », pendant que son sexe, suivant un ordre sans appel, gicla sa
semence sur le petit visage serré au ventre de la mère. Quatre yeux le regardèrent avec peur et dégoût et la bouche terriblement enlaidie de la
mère lui cria « Espèce de porc ! ». Il répéta comme un automate « je vous aime » puis il
posa une main sur l’épaule de la mère. « Lâchez-moi! » et le gifla.
Il ne saisit pas très bien ce qui arrivait. Cette gifle si agréable contrastait
tellement avec le ton de la voix ! Il ne comprenait pas très bien mais il
comprit qu’il avait fait quelque chose de… de… il ne savait pas quoi.
Il la regarda disparaître d’un
pas autoritaire avec sa fille dans les bras. Il s’assit dans l’herbe et ferma
les yeux pour retenir ces images : il se sentait comme un élément
essentiel d’un univers parfait. Sans aucun effort, il pouvait continuer à voir
ce qui était disparu. Le temps, ce monstre qui hantait sa vie d’insecte,
pouvait être dompté. Les images chassaient le spectre du temps. Quelle
différence avec sa vie à six pattes où la pensée par images était impossible !
Il revit d’abord les souliers. Il les analysa soigneusement : même les semelles qui semaient la panique dans la
colonie avaient une nécessité qui les rendait belles. L’horreur ne dépendait
pas seulement de la peur d’être écrasé ; elle était due à l’incapacité
qu’ont les perimegatomae hispanicae
de voir clairement à plus de trois centimètres de distance. Les souliers, avec leurs lacets entourant
les chevilles, ajoutaient aux jambes nerveuses et simples une complexité qui
donnait des frissons au ventre.
Il vit ensuite le pan de tissu
ondoyant sur les cuisses à un rythme qui adoucissait la démarche nerveuse. Il
regarda son propre corps pour mieux saisir les différences. Contrairement à
lui, elle montrait seulement une partie des jambes et des bras. Les vêtements
créaient des zones d’ombre qui rendaient la lumière de la peau chaude et
coruscante et ajoutaient au corps un mystère qui embrasait encore plus le désir
de Gregor — tel était son nom d’insecte et je ne vois pas pourquoi le changer.
Ce fut ensuite le tour des cheveux de se présenter. Des cheveux qui se
tordaient comme mille serpents pour protéger un visage doux et fier et qui lui
picotaient la peau des bras comme s’ils étaient présents — comme jadis les mandibules de sa mère.
Son imagination se promenait
entre le visage malin de la petite, qui, avant d’entrer dans la maison, avait
soulevé son museau de l’épaule de maman et lui avait montré avec sérieux une langue
rose-blanche, et les cuisses enragées de la mère.
Une voix rauque et puissante le
força à ouvrir les yeux. « Couvrez-vous ». Trois hommes étaient
plantés devant lui dans une attitude qui lui fit penser aux blatellae
urticantes qui terrorisaient sa colonie depuis des générations. Il amorça
un sourire. « Vite ! », lui cria le plus ridé des trois qui, en
même temps, lui lançait une robe de chambre à la figure. Au noir, comme dans
l’ancien temps. Il était bien sous cette chape de coton qui le chatouillait. Il
commença à rire. Il entendit de nouveau la voix rauque.
— S’il continue, je lui casse
la figure.
Une autre voix, très semblable
à celle de la mère, ajouta d’un ton brusque adouci par une note de
chaleur :
— Laisse-moi faire. Il n’a pas
l’air méchant. Il est seulement un peu détraqué.
Quelqu’un lui libéra la figure
et l’aida à enfiler la robe de chambre. Il avait les mêmes cheveux et le même
sourire que la mère, mais les mêmes habits que la voix roque et que son copain
muet.
—
Venez. Entrons pour parler un peu calmement.
Il les suivit dans la maison où
Marguerite — la mère — attendait
appuyée au rebord de la cheminée avec sa fille assise par terre. Il sourit à
Marguerite qui lui fit un demi sourire en retour.
« Asseyez-vous ici »,
lui ordonna un des trois individus, en indiquant une chaise au bout d’une
longue table en hêtre. Les trois policiers — les trois personnes qu’il avait
trouvé plantées devant lui quand il avait ouvert les yeux, étaient au service
de la police régionale de Bilbao. Il s’agissait d’un sergent, le chef de bande
à la voix roque ; d’une caporale-psychologue avec fonctions de
rédactrice ; d’un policier d’appui qui était là seulement parce qu’il
fallait être trois. À cette époque l’ETA était très active, et les janissaires
de Franco s’endurcissaient à chaque événement pas tout à fait normal. Et,
puisque tous ceux qui ne se comportaient pas comme eux étaient des anormaux, on
peut aisément imaginer qu’au pays Basque la dureté était souvent à l’ordre du
jour. Et c’était beaucoup plus facile d’être durs à trois que tout seul !
Mais, reprenons le récit :
les trois policiers donc, s’assirent avec un synchronisme parfait et après que
la caporale ait sorti de son sac un énorme cahier aux lignes rouges et bleues,
le sergent commença l’interrogatoire.
—
Nom ?
—
Gregor Samsa
—
Date de naissance ?
—
Ça dépend.
—
Ça dépend de quoi ?
—
Si vous parlez de ma naissance humaine ou de celle
d’hétérogastre…
—
D’hétéro… quoi ?
—
Insecte, si vous
préférez.
—
Écoutez, monsieur Samsa, on n’est pas là pour
rigoler
—
C’est dommage !
—
Vous, vous moquez de moi, vous !
—
Pas du tout. C’est bien dommage que vous ne
rigoliez pas…
—
Gardez vos commentaires stupides pour vous. Et
répondez sérieusement, si vous ne voulez pas avoir plus d’ennuis que ceux que
vous avez déjà.
—
Je suis sérieux. Je me suis réveillé il y a une
heure à peu près et j’étais homme. Avant j’étais un hétérogastre. Je
suis donc né aujourd’hui comme homme et je ne connais pas ma date de naissance
en tant que hétérogastre. Les hétérogastres ne se
soucient pas des dates. Ils ont tellement peur du temps qu’ils ne peuvent voir
que le futur….
—
Retenez-moi sinon je lui casse la figure à cet
emmerdeur.
—
Je ne vous emmerde pas. À moins que la vérité…
Comme il eut prononcé le mot
« vérité », il se figea pendant un instant. Oui, c’était bien lui qui
avait parlé. Lui qui, sans s’en apercevoir, sans fatigue, avait prononcé des
mots qui reflétaient parfaitement sa pensée. Il n’y avait plus ce blocage qui
rend si malheureux les hétérogastres
qui ont toujours besoin de broyer dans le noir pour ne pas mourir. Oui, il
pouvait se faire comprendre ! Se faire comprendre ? Il regarda les
visages inexpressifs des trois policiers. Il leur sourit. Seule la femme lui
sourit en retour, avant de lui dire : « Écoutez, monsieur Samsa.
Tout ce que vous dites est incompréhensible. Et pourtant, vous n’avez l’air ni
méchant ni stupide. Aidez-nous à vous comprendre. N’ayez pas peur, on est ici
pour vous aider. Nous n’avons aucun intérêt à vous faire du mal. Aucun. Vos parents ?
Avez-vous de bons rapports avec vos parents ? ». Avait-il de bons rapports ?
Difficile à dire. Non, pas tellement difficile :
— Quand on naît par pédogenèse
on a un seul parent et on se considère comme la continuation de la génitrice…
— Pédogenèse ?
— Oui. C’est une parthénogenèse qui se produit chez la
larve… Pour parler en termes humains, on est un appendice de sa mère ou sa
maturation si vous voulez…
« Excusez-nous un
instant ». Elle se leva fit signe à son chef et les deux s’approchèrent de
Marguerite. Il entendit des bribes de phrases. Un problème classique de
fixation affective… des bons coups de bâton… j’aimerais essayer… dangereux…
trop de psychologie et pas assez… stade du miroir… formation du moi… j’assume
la responsabilité…
Il retournèrent à la table avec
Marguerite qui s’assit à côté de Gregor. Le sergent demanda le formulaire
C-T-32-OP-1962 à sa camarade qui le présenta à Marguerite avec un léger mouvement
de la tête pour souligner son désaccord profond. Quand le sergent lui
dit : « Madame Etchegaray Marguerite, vous devez signer un formulaire
dans lequel vous déclarez que vous assumez toutes les responsabilités légales
de Monsieur Samsa Gregor », elle donna son assentiment avec une simple
oscillation de la tête.
« Bien. C’est tout. Et
vous, monsieur Samsa vous devez remercier madame Etchegaray pour sa bonté. Si
ce n’était pas d’elle vous seriez déjà en tôle », sentencia le sergent en se levant une
seconde avant ses acolytes. « Allez-y caporale, dites-lui ce qui vous
brûle le cœur. À chacun son rôle, dans
le théâtre de la vie. Je vous attend dans la cour »
La caporale regarda ses
camarades sortir accompagnée par Marguerite, posa sa main sur l’épaule de
Gregor : « Je crois que le sergent a commis une grave erreur en
acceptant que vous restiez ici. Et pas parce qu’il vous faut la prison. Non,
vous n’avez rien fait qui mérite une punition. Vous avez simplement besoin d’un
spécialiste qui vous aide à vous retrouver. Il est clair que vous niez
l’existence d’un père parce que vous avez des rapports troubles avec votre
mère. Madame Etchegaray croit que l’amour et l’amitié vous aideront à vous
retrouver. Elle est naïve, très naïve. Peut-être que c’est elle qu’elle veut
retrouver ! Dans des cas comme le vôtre ça ne suffit pas. L’amitié ne
suffit pas. Bonne chance. »
Il la regarda partir avec les
larmes aux yeux. Les larmes lui ouvrirent définitivement les portes de
l’humanité. Il y était, il ne sortirait
plus.
Post face
La littérature, même la
mauvaise, est souvent en avance sur les autres activités humaines. Par rapport
à la science, par exemple. Ce récit naïf et tout à fait irréaliste datant de
1963, pourrait, aujourd’hui, début des années 2000, être un cas réel — au moins
en ce qui concerne la métamorphose.
La majorité des insectes
du sous-ordre des hétérogastres
ont une métamorphose « classique » : larve, nymphe et imago. Les
seuls hétérogastres avec hypermétamorphose ont été étudiés dans les
laboratoires de l’Université de Munich en 1937, mais beaucoup de savants
doutent du sérieux de la recherche qui était pilotée surtout par des
insectophobes. Ce qui est certain, c’est que tous les hétérogastres, au moment
de l’éclosion de l’imago, expulsent quelques gouttes de méconium par l’anus. Le
méconium, produit par le métabolisme de la nymphe et très riche en CO-H2-CO,
est une des causes principales de mortalité imagile, car souvent l’imago, comme
premier réflexe, mange son propre méconium. Mais, un défaut hypostantique des corpora
allata, peut causer un changement dans la structure moléculaire de
l’hormone juvénile qui inhibe les mécanismes proprioréceptifs du système neural
latéro-central. L’ingurgitation du méconium dans de telles conditions cause une
accélération métamorphique de type astholique. Cette accélération dans des
conditions thermique avec dérive mineure de Galois, cause une transformatio
species vel phylii. C’est à-dire que l’imago peut changer d’espèce[2] ou même de clade. Dans les
laboratoires de génie génétique du MIT, par exemple, on a créé
une accélération avec transgénie participative qui, en partant d’un Atropos
pulsatorium, engendre une imago humaine. Un « humain » avec
toutes les caractéristiques morphologiques, physiologiques et psychiques des
humains mais mesurant à peine 7 mm[3].
[1] Clade des arthropodes, classe des hexapodes (insectes), ordre des coléoptères, sous-ordre des hétérogastres, espèce Perimegatoma hispanica.
[2] Dans une parthénogenèse normale sont générés seulement des individus de sexe féminin. Le fait que Gregor soir de sexe masculin est probablement dû à un arrêt intramue anormal de l’évolution nymphale. Il est à noter, à ce propos, que les insectes mâles sont des femelles avec arrêt précoce des mues.
[3] Les sociologues devraient sans doute revoir certains concepts de base de leur discipline. Car on peut très bien imaginer que, du point de vue statistique, à cause du nombre extrêmement élevé d’insectes, un grand nombre d’humains soient des insectes métamorphosés.